At Mzab - une société amazighe, par Hammou Dabouz - parte 1

At Mẓab,
Une Société Amazighe d’Algérie
A l’Epreuve des Temps

Parte 1

Par Hammou DABOUZ
 

Prologue     

Les At Mẓab  (avec un z emphatisé) qui appartiennent au monde amazighe, est une civilisation très ancienne. Les témoignages de cette civilisation remontent aux périodes préhistoriques. De son histoire, les At Mẓab possèdent une architecture traditionnelle de renommée universelle. Le Mẓab est inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1982, ses palmeraies et ses systèmes d’irrigation qui reflètent toute une technicité, sa fameuse tapisserie, son organisation sociale ont pu garder et propulser cette société oasienne au cours des douze derniers siècles.  
Ce papier et d’ordre informationnel. Il montrera aussi de manière succincte les relations qui peuvent exister entre une nature inhospitalière et une société amazighe encore profondément attachée à ses valeurs, mais qu'on aurait tort de croire immuable, où la langue amazighe forme l’indispensable socle de son existence, où la religion est gestuellement appliquée, mais infiniment plus profonde qu'on ne l'imagine souvent, où les jeunes générations sont appelées à bien vivre dans le monde de l’humanité qui avance à une vitesse vertigineuse, mais où les leçons du passé doivent bien s'apprendre et servir.
Des sites préhistoriques datant du Paléolithique ont été repérés dans la région, et des indices décrivent la présence de communautés primaires troglodytes dont l'habitat est creusé à même la roche calcaire des collines. Les signes alphabétiques libyco-berbères, quant à eux, sont attestés un peu partout au Mzab. Cependant un énorme travail d’exploration, de repérage, de collecte et de déchiffrement reste à faire pour en connaître la teneur. Si les quelques dizaines cités mortes du Mzab témoignent d'une présence amazighe antérieure à l'avènement de l'ibadhisme, le rite ibadhite, en faisant partie des écoles de la jurisprudence musulmane, s'était propagée dans la région, il y a mil ans. Il n’en demeure pas moins que les connaissances portant sur les premières peuplades qui avaient vécues dans cette région avant son islamisation, demeurent encore très limitées.

Situation géographique, climatique et démographique

Le Mzab, hyper-aride, caractérisé par la sécheresse de l’atmosphère et la grande intensité de l’évaporation qui s’opposent à toute végétation naturelle, est une région de l'Algérie qui, en étant sis dans le Sahara septentrional, se situe à 600 km au sud d'Alger, dans la Wilaya de Ghardaia (Tagherdayt , en Amazighe). Cette région s’inscrit dans un ensemble géomorphologique étendu sur un plateau rocheux disséqué de couleur brune et noirâtre dont l'altitude moyenne est de 500 mètres. Ce plateau avait été marqué par la forte érosion fluviale du début du Quaternaire qui a découpé dans sa partie sud des buttes à sommet plat et a façonné des vallées organisée autour d’Iγzer  Mẓab (Oued Mzab/Vallée du Mzab). C’est à l'enchevêtrement de ses vallées que cette région doit l’appellation de filet.
A propos de la pluviométrie, force est de constater que pendant certaines années bien exceptionnelles, comme au début du siècle passé, en 1991, en automne 1994 et, dernièrement, au début octobre 2008, de violentes crues ont déferlé sur l’iγzer Mẓab en causant des pertes humaines et d’énormes dégâts dans les biens.
En l’absence d’un sérieux recensement, on peut sans trop s’éloigner de la réalité dire que les amazighes dans le Mzab constituent actuellement 55% ± 5% (soit 181500 ± 16.500) des habitants de la Wilaya. La région du Mzab, en offrant tant d’avantages, connait depuis plus d’un siècle, un afflux progressif de populations arabophones notamment nomades de confession malékite. Elle a connu également depuis l’indépendance l’arrivée d’une population amazighophone et arabophone qui exerce dans les différents secteurs économiques.
 

Origine ethnique des At Mẓab

Loin de toute idée simpliste, il est à préciser que le renforcement du peuplement du Mzab serait non seulement consécutif à la chute de l’Etat Rustumide et l’exode définitif des populations de Warejlen (Ouargla) et d’Isedraten (qui étaient déjà amazighes ibadhisés), mais il serait aussi le résultat de la migration dans le temps de quelques familles de la région des Aurès, de l’est algérien, d’une partie de la Libye… et de la Tunisie actuelle. Si les origines géographiques de Tamazgha (amazighie) qui traversent cette société du Mzab, se chevauchent bel et bien aux divers plans, les gens ignorent superbement cette donnée pour autant dans la vie sociétale actuelle.
Toutes les données fondées conduisent à dire que l’hypothèse d’Ibn Kheldoun selon laquelle la filiation des At Mẓab remonte à l’ancêtre éponyme des Zénètes. Selon cette filiation, les At Mẓab sont les frères des At Toujin, At zerdal et At Abdelwad. Et ces trois branches sont issues de la tribu des At Badin frères des At Rached, dont la filiation remonte à Udjana, ancêtre présumé des Zénètes (izenten, en tamazight). C’est une descendance dont l’ascendance éponymique remonte à Imedγasen en passant par les Gétules de la période pré-chrétienne dont une partie s’est jointe aux Garamantes. Selon les données linguistiques, l’appartenance des At Mẓab à la branche Zénète est incontestable. Il est bien fondé que la variante amazighe que pratiquent à nos jours les amazighes du Mzab, est très proche de celles dites Zénètes telles que tacawit dans les Aurès, Tazennatit de la région d’Adrar, Matmata de la Tunisie… et Tarifit dans le nord du Maroc. Quant à l'établissement de la communauté noire et métisse, dans le Mzab, elle est en grande partie le fruit du commerce transsaharien, autrefois florissant mais dont le coup d'arrêt a été amorcé vers 1848, date à laquelle la loi interdisant la traite des esclaves a été promulguée. La question de l’existence de la communauté d’At Mẓab va de soi-même, puisqu’elle regroupe des groupes de familles, voire de fractions homogènes les unes aux autres. Les fondements définissant les At Mẓab s'articulent autour de quatre critères principaux :

1.    Le critère linguistique (emploi d’une variante amazighe dite tumẓabt).
2.    Le critère historique (les At Mẓab ont en leur actif une préhistoire et une histoire sociale extra-millénaire).
3.    Le critère cultuel (les At Mẓab font partie du rite musulman ibadhite).
4.    Le critère culturel (mode de vie, arts, connaissances pratiques, traditions…).
 

à suivre - Parte 2

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